Circoncision : Une méta-analyse contredirait une étude australienne… ?

[Pour l’association Warning, 16 novembre 2008 : http://www.thewarning.info/spip.php?article259]

Une méta-analyse d’études sur la circoncision parmi les gais et les HSH [1] montre un manque de preuves d’un niveau statistique suffisant pour affirmer qu’être circoncis réduit le risque d’être infecté par le VIH. Cela contredirait donc l’étude australienne que nous vous avons présentée en septembre. Il convient donc de préciser dans quelles mesures, les études en questions semblent s’opposer.

Cette méta-analyse menée par Gregorio Millet et ses collègues du CDC [2] rassemble les données de 17 études quantitatives conduites entre 1989 et 2007 parmi des gais et HSH (9 en Amérique du nord et 8 autres dans des pays asiatiques et sud-américains). Il n’y avait jusqu’à présent pas d’analyse randomisée sur les liens entre la circoncision et les risques de transmission du VIH et autres IST dans le contexte de rapports sexuels anaux (homos ou hétéros).

Si cette méta-analyse trouve que le risque d’attraper le VIH est réduit de 14%  [3] pour un individu circoncis (29% si la personne en question ne pratique que le sexe insertif), elle indique aussi que ça n’est pas significatif statistiquement : en effet, ces résultats peuvent tout aussi bien être le fruit du hasard. Même constat lorsqu’il s’agit des IST ; au contraire, dans les études menées après 1996 (arrivée des trithérapies), les taux d’IST augmentent parmi les gais circoncis de la même manière que parmi les non-circoncis. Si la circoncision réduit le risque de transmission sexelle du VIH, en tout cas elle n’est pas une barrière à syphilis ou chlamydia… En fait, les auteurs suggèrent qu’avec les traitements ARV efficaces, la réduction du risque de transmission lié à l’impact du traitement est plus importante que celle de la circoncision, qui ne devient alors plus visible (statistiquement significative). Ils avancent que l’augmentation des rapports sexuels non-protégés ces dernières années aurait annulé le bénéfice de la circoncision, mais aucune donnée de la méta-analyse ne permet de prouver cette interprétation.

Malgré leurs conclusions, les auteurs affirment qu’il y a toujours lieu de se questionner sur le bénéfice de la circoncision. Selon eux, il faudrait affiner les recherches en ciblant des hommes qui pratiquent uniquement des sodomies insertives ou qui vivent dans la précarité économique (sans accès aux traitements), ce qui pose évidemment des obstacles éthiques. Il faudrait aussi pouvoir croiser les variables liés au rôle sexuel (insertif, réceptif, versatile) avec des variables comme la « race », l’ethnicité, la géographie, la culture, etc. [4]. Il conviendrait de pouvoir mieux appréhender l’impact des relations sexuelles sans préservatifs sur la problématique de la circoncision et d’améliorer les connaissances sur la charge virale dans la région anale.

Cette méta-analyse n’est donc pas en contradiction avec l’étude australienne. Leur objet d’analyse n’est pas tout à fait le même. Il manque dans la méta-analyse une variable primordiale – le rôle sexuel – qui est centrale dans l’étude australienne. La question qui pourrait être posée, c’est de savoir si dans un contexte où la séroadaptation augmente (ce qui n’est pas avéré), il ne faudra pas toutefois avoir une stratégie cumulative de réduction des risques et par conséquent voir si la circoncision aurait quand même un sens, ne serait-ce qu’au niveau individuel.

Enfin, à partir de cette méta-analyse on peut supposer que l’efficacité de la circoncision chez les hétérosexuels dans les pays pauvres va progressivement se réduire dû au fait de l’introduction des traitements ARV.

Attention ! Cette étude comprend une erreur et un erratum a été publié. En effet, la réduction du risque de transmission pour les individus circoncis n’est pas de 14% mais de 5%. Donc globalement, c’est-à-dire au vu de l’analyse des différentes études reprises dans ce papier, il n’y a pas d’effet. Cependant, vu la marge d’erreur importante (de -5 à 20%), on ne peut pas vraiment conclure quoi que ce soit de certain. La question de l’impact populationnel versus l’intérêt individuel de la circoncision dans des populations à haute prévalence VIH se pose donc toujours.

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Références :

Millett G et al. Circumcision status and risk of HIV and sexually transmitted infections among men who have sex with men : a meta-analysis. Journal of the American Medical Association 300(14):1674-1684, 2008.

Vermund SH and Qian HZ Circumcision and HIV prevention among men who have sex with men : no final word. Journal of the American Medical Association 300(14):1698-1700, 2008.

Cairns Gus Jury still out on whether circumcision protects gay men against HIV. Aidsmap, 08 octobre 2008.

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Notes :

[1] Hommes adorant sexer avec d’autres hommes ; Désigne des hommes qui ont des relations sexuelles avec d’autres hommes sans pour autant s’identifier comme gais.

[2] US Centers for Disease Control.

[3] Attention ! Un erratum a été publié concernant cette statistique car il y avait en fait une erreur dans le tableau page 1679 : c’est 0,95 et pas 0,86. Donc 5 % de réduction du risque avec un grand intervalle de confiance (précision incertaine, de -5 à + 20%). Voir en fin d’article.

[4] Rappelons qu’il s’agit d’une réflexion américaine, où la notion de race est couramment utilisée.