Je suis officiellement citoyen canadien depuis le 19 février 2014. Je vais donc pouvoir voter aux prochaines élections provinciales que le gouvernement Marois vient de déclencher. Je suis évidemment excité d’accomplir ce devoir auquel j’aspire depuis tant d’années. Et j’ai déjà choisi pour qui j’allais voter : le seul parti politique qui rejoint la plupart de mes convictions, Québec Solidaire (QS). En plus, comme j’habite Hochelaga, je vais voter pour un confrère syndicaliste – Alexandre Leduc (photo ci-dessous) – que je vois souvent au Conseil régional FTQ Montréal métropolitain. Attention Alex, je ne me gênerai pas pour t’achaler comme je sais si bien le faire en matière de politique ! Bref, j’ai décidé de voter avec mon cœur – même si QS demande aux québécois-e-s de voter avec leur tête – bien que j’ai une histoire traumatique à la fois avec le vote « stratégique » (on dit « utile » en France) et à la fois avec le vote de conviction.
En 2002, lors des élections présidentielles françaises, j’avais voté avec mon cœur au premier tour : mon choix s’était alors porté sur Christiane Taubira. Aujourd’hui bien connue pour avoir mené de manière flamboyante la bataille législative sur le mariage pour tou-te-s en 2013, j’avais voté pour elle à l’époque parce que je partageai son analyse sur l’importance fondamentale du renouvellement et de la consolidation du lien social dans nos sociétés post-modernes. En plus c’était une femme de gauche, noire de surcroît, donc ça faisait chier plein de monde. On sait ce que la dispersion du vote à gauche au premier tour a donné : la présence de Jean-Marie Le Pen au second, face à Jacques Chirac. La stupeur laissant ensuite place à la culpabilité, je m’étais alors promis de ne plus jamais me faire avoir, et de voter utile : pour le moins pire ayant une chance de l’emporter, et pour ne plus jamais avoir à voter pour un candidat de droite face à l’extrême-droite.
C’est pourquoi en 2007, j’ai voté pour Ségolène Royal dès le premier tour, même si je ne l’aimais pas. Cela n’a pas suffi, et nous avons hérité du Naboléon Sarkosy, et de sa politique identitaire et néoconservatrice qu’a copié sans vergogne le Parti Québécois avec son ethnocentrique Charte. Vous voyez donc où je veux en venir ? Est-ce que je vote comme je l’ai fait lors des présidentielles françaises de 2012 pour la vraie gauche (soit le Front de Gauche), c’est-à-dire pour Québec Solidaire (sachant qu’en France un deuxième tour permet au moins de voter pour le moins pire ensuite) ? Au risque de voir une députée national-péquiste être élue dans ma circonscription, puisqu’il n’y a qu’un tour ? Le dilemme est clair : voter avec mon cœur au risque de voir les droits fondamentaux des minorités bafoués par ma société choisie ? Voter avec mon cœur au risque de voir le dernier référendum possible sur la souveraineté du Québec (à laquelle j’aspire), échouer parce qu’il serait un projet nationaliste-ethniciste ?
Connaissant particulièrement bien les dégâts qu’on produit les politiques identitaires droitières sur la France, je me pose à nouveau les questions habituelles sur mon choix de vote en avril prochain. Alors soyons pragmatique : même si mon dégoût libéral est profond, que les péquistes me donnent la nausée, et qu’il manquait 6000 voix à Alex pour s’approcher de la victoire en 2012, aucun autre candidat qu’Alex n’était en position de la battre… Voilà qui résout mon dilemme ! Je vais donc voter avec mon cœur, même si sa portion souverainiste se questionne.